Habitation des Cove Fields : une collecte de témoignages fructueuse

Publié le 8 oct. 2025

En 1945, la ville de Québec fait face à une grave pénurie de logements et plus d’une centaine de familles doivent s’installer dans d’anciennes baraques militaires sur les plaines d’Abraham. Ce secteur est alors appelé les Cove Fields. 

Photos : Familles Lambert, Bouchard et Kirkwood

 

Préserver la mémoire des Cove Fields

En août 2023, la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN) a lancé un appel pour retrouver des personnes ayant vécu sur les Cove Fields de 1945 à 1951. Ce projet est né d’un constat simple. Les dernières personnes à avoir vécu sur les Plaines – les enfants des Cove Fields – avaient désormais plus de 70 ans. Pour recueillir et préserver leurs témoignages, il y avait urgence à agir.

Un mandat a été donné à la Horde Patrimoine pour la réalisation d’une enquête ethnographique et le Département des sciences historiques de l’Université Laval s’est joint au projet. 

Treize personnes ont généreusement partagé leurs souvenirs lors d’entrevues. Neuf d’entre elles ont vécu sur les Cove Fields (témoins directs) et quatre sont des membres de la famille d’anciens résidents (témoins indirects). Leurs témoignages, captés en audio et parfois en vidéo, viennent nourrir la connaissance historique sur cette période particulière dans l’histoire des plaines d’Abraham. De plus, une cinquantaine d’images inédites ont été numérisées et versées au fonds d’archives de la CCBN.

Le site des Cove Fields

Les Cove Fields désignent l’aire ceinturée par les murs de la Citadelle, la Grande-Allée, la cime du Cap Diamant et les tours Martello. Longtemps propriété du ministère de la Défense, le site est demeuré à l’abri du développement urbain. En 1940, l’armée y fait construire 40 baraques – appelées « huttes » – pour loger des soldats et, brièvement, des prisonniers de guerre.

Un quartier sur les plaines d’Abraham

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses familles de Québec peinent à se loger. Certaines vivent même dans d’anciens bâtiments à bureaux désuets mis à disposition par la ville. Le maire Lucien Borne obtient que les baraques militaires des Cove Fields servent d’habitations temporaires. Rapidement, elles accueillent plus de 125 familles, soit près de 1 200 personnes, dont 700 enfants. Chapelle, école et terrain de jeu voient alors le jour, donnant aux Cove Fields l’allure d’un véritable petit quartier au cœur des Plaines. 

Toutefois, la présence de cette communauté en pleine haute-ville, à proximité des belles demeures de la Grande Allée, du quartier historique et des touristes, choque les esprits. Bon nombre d’articles de journaux de l’époque se penchent sur le sujet de ce quartier qu’on nomme le « Faubourg de la misère », dénonçant les conditions de vie et appelant à trouver une solution pour relocaliser les familles et libérer le site. La CCBN souhaite aussi la disparition des baraques qui freinent la complétion du parc des Champs-de-Bataille. 

Ce n’est qu’à partir de 1949 que les baraques sont démolies progressivement, à mesure que les familles sont relogées dans d’autres quartiers de la ville. Les dernières familles quittent les lieux en 1951, et les dernières structures sont détruites en 1952. 

Un portrait nuancé 

Les entrevues avec d’anciens résidents et résidentes des Cove Fields et leurs proches ont permis de brosser un portrait nuancé et humain de la vie sur les plaines d’Abraham entre 1945 à 1951. 

La plupart des témoignages recueillis confirment les conditions de vie difficiles dans les baraques des Cove Fields, comme le manque d’isolation contre le froid et d’installations sanitaires adéquates. L’enquête montre cependant que toutes les baraques n’étaient pas en piètre état – plusieurs étaient très bien entretenues – et que toutes les familles qui y vivaient n’étaient pas dans la misère – certaines avaient même un revenu au-dessus de la moyenne. 

En effet, habiter sur les Cove Fields comportait des avantages, comme celui de se loger à faible coût dans la Haute-Ville de Québec, un emplacement convoité. De nombreuses familles ont délibérément choisi d’emménager et de rester aux Cove Fields, qu’elles n’auraient jamais quittés, si elles en avaient eu le choix. Des témoignages évoquent d’ailleurs la peine ressentie lors du démantèlement des baraques en 1951. 

Mme Cantin
« On déménageait dans moins pire de ce qu’on restait. C’est quelque chose, hein ?! »
Mme Mallais
« On est arrivés les premiers et on est partis les derniers. Pas tout à fait, mais c’est ma grand-mère qui est sortie la dernière de toute. Elle ne voulait pas partir de là »
Mme Mallais
« Ce qui me fâchait, c’est qu’on était heureux nous autres, on était plus malheureux de ce que le monde nous jugeait. C’est le jugement qui nous faisait le plus mal »

Une communauté animée

Les témoignages recueillis révèlent aussi la mise en place d’une véritable vie communautaire. Outre l’école et le poste de police, on retrouvait des commerces et des services offerts par les résidents : magasins généraux, petit restaurant, cordonnerie, coiffure, couture, mécanique, etc. Des baptêmes et des mariages ont même été célébrés sur les plaines d’Abraham, dans la baraque transformée en chapelle. 

Le quotidien s’animait aussi grâce aux activités organisées par les résidents : soirées dansantes avec des musiciens, parties de cartes, ligue de baseball ou encore patinage et parties de hockey sur des patinoires maison entretenues par les pères de la communauté. Les enfants appréciaient particulièrement la liberté de pouvoir jouer dehors sur un aussi grand terrain que sont les Plaines. C’est d’ailleurs ce regard d’enfant qui ressort des témoignages recueillis auprès de personnes qui ont vécu sur les Cove Fields durant leur jeunesse. 

Mme Mallais
« Pour moi, les Cove Fields, ça représentait la plus belle place qu’on a pu vivre, c’est là (…) On allait sur les Plaines on se faisait des cabanes, on avait de l’espace pour jouer » […] « On avait toutes les Plaines à nous autres. Pour les enfants on était bien »
M. Garneau
« La cour c’était les Plaines. Ça c’était notre cour. On avait de la place en masse […] On s’organisait des game de balles et on jouait sur les Plaines. C’était notre cour »
Mme Bolduc
« Moi j’ai trouvé ça pas pire. On arrive là, on était en plein air… on pouvait sortir dehors quand on voulait (…) on était jeunes, on s’amusait ». « Ces cinq ans là, je vais vous le dire, je les ai aimés »

Le rapport d’enquête, les témoignages, les documents et les photographies recueillis en 2023 et 2024 représentent une source précieuse, une contribution inestimable à notre compréhension de l’histoire du site. 

La CCBN tient à remercier en particulier les familles Bolduc, Bouffard, Cantin, Garneau, Kirkwood, Lambert, Mallais et Monfette. 

Témoignages

Vous aussi possédez des souvenirs ou des photos relatives aux Cove Fields ? La CCBN souhaite les recueillir.

Rendez-vous à l’accueil du Musée des plaines d’Abraham, entre 9 h et 17 h, ou composez le 418 649-6157.

Installation temporaire

Jusqu’à la mi-octobre, une installation temporaire sur les Plaines met en lumière l’histoire des Cove Fields et des nombreuses familles qui y ont habité. Les structures de bois s’inspirent des baraques que l’on retrouvait sur le site et qui ont servi de logements.

Vous y retrouverez des images d’archives de l’époque, dont des photos de famille inédites, ainsi que des extraits de témoignages de personnes ayant résidé sur les Cove Fields.