Marie-Barbe Loiselle, héroïne de la défense de Québec en 1775

Publié le 26 nov. 2025

Marie-Barbe Loiselle, aussi connue sous son surnom de Baboche ou encore sous le nom d’Élisabeth, est l’une des seules personnes qui reçoit une pension de l’armée britannique en 1778 à la suite du siège de Québec par l’Armée continentale américaine en 1775-1776. Qui est cette femme importante de la défense de la ville? 

Une citoyenne de Québec touchée par la guerre 

Marie-Barbe Loiselle est née le 2 octobre 1750. Ses parents, Charles Loiselle et Marie-Joseph Pépin, se sont épousés à Charlesbourg en octobre 1746, et c’est fort possiblement à cet endroit où elle est née. Mais elle n’y vécut pas longtemps.  

Au début de l’an 1751, la famille Loiselle acquiert un lot dans le faubourg Saint-Roch, alors en pleine expansion. En effet, au début des années 1750, plus de 70 lots ont été vendus à différentes personnes sur les terres d’Henri Hiché, procureur à la Prévoté, situées entre le promontoire de Québec et la rivière Saint-Charles. Ancien notaire royal, Hiché possédait d’ailleurs toujours la Maison Blanche, une construction de pierre importante dans le faubourg et qui existe encore à Québec aujourd’hui. Ce bâtiment avait été construit à partir de 1678 par Charles Aubert De La Chesnaye, un important commerçant de Québec. En plus de ces nouvelles propriétés, on trouvait déjà quelques bâtiments sur le bord de la rue Saint-Vallier, dont des tanneries en opération depuis le début du 18e siècle. 

Dans la famille Loiselle, c’est une période de grands changements. En 1756, Marie-Joseph Pépin, la mère de Baboche, meurt. Charles Loiselle se remarie rapidement avec Marie-Marguerite Bourret, et la famille continue de s’agrandir à partir de la maison de la Basse-Ville. La quiétude familiale est de courte durée puisque la Nouvelle-France est entrée en guerre contre les Britanniques en 1754 et qu’après la prise de Louisbourg, en 1758, les habitantes et habitants de Québec savent qu’ils doivent désormais compter les jours avant que leur ville ne soit attaquée. 

À l’été 1759, la jeune Marie-Barbe Loiselle n’a que 8 ans lorsque la ville de Québec commence à être bombardée par les Britanniques. Débutant dans la nuit du 12 au 13 juillet 1759, les bombardements durent tout l’été et vont détruire une très grande partie de la ville. Les batteries britanniques sont installées à la Pointe-des-Pères, sur la rive-sud, et pilonnent la ville. Dès la fin juillet, des témoins français rapportent que les bombardements peuvent atteindre le quartier Saint-Roch : 

« […] Nous venons de déblayer de la prairie de M. Hyché; les boulets et les bombes commencent à nous y chagriner […] ».

Au cours du moins d’août, alors que les Britanniques viennent d’ouvrir une troisième batterie sur la rive-sud, Saint-Roch est encore plus durement touché. Plusieurs maisons sont « écrasées » et on rapporte le décès d’au moins un enfant de même que les importantes blessures subies par une femme. Au cours de l’été, les Britanniques vont finalement avoir construit quatre batteries d’artillerie, totalisant 20 canons et 13 mortiers qui ont tiré plus de 18 000 projectiles. Et c’était sans compter les projectiles tirés depuis leurs navires.  

La ville détruite est capturée par les Britanniques à la suite de la bataille des plaines d’Abraham (13 septembre 1759) et la France va finalement rendre le Canada à la Grande-Bretagne par le traité de Paris (10 février 1763).  

La jeune Baboche vit désormais dans une colonie britannique.  

Baboche pendant le siège de 1775-1776 

À l’été 1775, Baboche a 24 ans. Demeurée à Québec depuis la Conquête, elle serait, au moins brièvement, entrée en relation avec un homme de Québec dont on ne connaît pas le nom et qui n’aurait pas mené à un mariage. Possible que cette relation soit utilitaire puisque l’Acte de Québec de 1774 rétablissait les lois civiles françaises et faisait en sorte que Baboche avait perdu sa majorité, qui est fixée à 25 ans, sous ces lois – sous les lois britanniques, elle avait atteint la majorité à l’âge de 21 ans, en octobre 1771. Elle fête ses 25 ans en octobre 1775. À cette époque, le lieutenant-gouverneur Hector-Théophilus Cramahé impose déjà différentes restrictions aux gens de Québec : contrôle des déplacements en ville, fermeture des portes de la ville en soirée et mobilisation des hommes en âge de se battre.  

Quand un premier détachement de soldats de l’Armée continentale débarque sur les plaines d’Abraham, le 14 novembre, et demande la reddition de Québec, la ville est sur le pied d’alerte. Le gouverneur britannique Guy Carleton est revenu quelques jours plus tôt, tout comme un officier militaire, le lieutenant-colonel Allen MacLean. Ils viennent prendre les défenses de Québec en main et continuer le travail amorcé par Cramahé plus tôt en été et en automne. 

Sans savoir précisément ce qui la motive à agir comme elle le fait, on peut s’imaginer que Baboche fait le même choix que plusieurs habitants de la ville – défendre leurs maisons, leurs quartiers et leur cité contre un envahisseur externe. Alors que les habitants des campagnes environnantes choisissent de supporter l’Armée continentale ou encore d’attendre de voir comment cette invasion va se dérouler, à Québec, le choix de défendre la ville est plus facile à faire. Depuis septembre, la milice canadienne de près de 1000 personnes s’ajoute à la milice britannique de 300 personnes qui effectuaient des exercices depuis juillet.  

On ne sait que peu de choses sur son implication directe pendant les mois où l’Armée continentale était aux portes de la ville. Certaines sources britanniques mentionnent les allées et venues d’une jeune femme utilisée comme messagère. Les sources des Treize Colonies rapportent aussi avoir capturé une « Mademoiselle Baboche » en janvier bien qu’elle réussisse à s’échapper quelques jours plus tard. Au départ des troupes des Treize Colonies, Baboche est vivante.  

Une chose est sûre, en 1778, elle fait partie d’un groupe exclusif de trois personnes qui reçoivent une pension de l’armée britannique. Les deux autres sont la veuve d’un milicien et un artilleur. Elle est donc la seule du groupe à ne pas être une combattante qui ait pris les armes. Ceci nous informe certainement de l’importance stratégique que les Britanniques lui accordaient. 

Après la guerre 

Le parcours exact de Marie-Barbe Loiselle après la guerre n’est pas très clair non plus, quoique certaines anecdotes et hypothèses nous informent un peu sur son parcours.  

Tout d’abord, il semble qu’elle ait passé le siège de Québec enceinte. En effet, sa première fille, Marie-Josephte Magnan, serait née en mars 1776, avant le départ de l’Armée continentale de la région. Est-ce que cette grossesse et les informations qu’elle aurait transmises constituent les raisons qui ont poussé l’armée à lui donner une pension? Bonne question. Marie-Josephte Magnan, s’est mariée à Québec au capitaine de navire marchand Louis Ruel en 1795. Au décès de Ruel, Marie-Josephte se marie en secondes noces avec Narcisse Faribault, à Berthier-sur-Mer, en octobre 1825.  

Marie-Barbe Loiselle connaît ensuite un épisode plus difficile où elle est déclarée « absente d’esprit ». Nous sommes en 1779. Son oncle tente de trouver une personne pour s’occuper d’elle, et subvenir à ses besoins, mais la situation ne perdure pas longtemps. En septembre 1780, elle aurait donné naissance à un fils illégitime avant de se ranger avec un autre homme. Elle aurait vécu le dernier quart de sa vie avec le marchand écossais James Tod. Politicien élu à la première Assemblée législative de la colonie pour le comté de Devon (L’Islet) en 1792. Avec lui, elle aurait eu une fille, Charlotte, en 1782. L’histoire de Charlotte est tragique. Déménagée sur la Côte-du-Sud, elle est assassinée par son gendre, Jean-Baptiste Corriveau, en 1855. Corriveau sera pendu en septembre 1856 et son histoire a probablement aussi contribué, selon l’anthropologue Luc Lacourcière, à ajouter une aura malveillante au nom « Corriveau » puisqu’il était ainsi associé à un autre crime violent, dans la même région où Marie-Josephte Corriveau aurait tué son mari en 1763.  

Bien qu’elle ne se soit jamais mariée, Baboche aurait partagé sa vie avec Tod jusqu’au décès de celui-ci en 1816. Marie-Barbe Loiselle a 67 ans lorsqu’elle meurt à Québec le 17 octobre 1817. 

Découverte issue d’une précieuse collaboration 

L’histoire de Baboche nous a été d’abord présentée par un historien de la ville de Québec, José Doré. Ancien guide touristique, José avait fait de nombreuses recherches sur l’invasion de 1775-1776 par l’Armée continentale et sur la réponse des habitantes et habitants de la ville de Québec. Fasciné par l’histoire de Baboche, il considérait sa participation héroïque aux événements de 1775-1776 au même titre que celle de Laura Secord aux événements de la guerre de 1812. José a collaboré avec l’équipe des plaines d’Abraham sur l’exposition Québec 1775 : enneigée et assiégée qui est présentée au Musée des plaines d’Abraham jusqu’au 11 janvier 2026.  

 

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