Les tours Martello de Québec

1760-1908 : Occupation civile et militaire

Bâtiments iconiques du paysage des plaines d’Abraham, les tours Martello de Québec ont été construites entre 1808 et 1812 comme première ligne de défense de la ville fortifiée. 

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Contexte de construction des tours Martello  

Les Britanniques connaissaient l’importance stratégique des hauteurs de Québec. C’est pourquoi, dès la fin du 18e siècle, ils prévoient la construction de nouveaux ouvrages intégrant ceux précédemment bâtis par la France. 

L’armée britannique souhaite consolider le rôle défensif de Québec en Amérique. À cette époque, l’ingénieur Gother Mann réalise les plans de nombreux ouvrages de fortifications, mais faute de financement dans l’immédiat, ils mettent plusieurs décennies à se réaliser.   

Le plan des tours Martello a été adopté par l’armée britannique en 1804, inspiré d’une construction française qui avait très bien résisté aux assauts britanniques en 1794 au cap Mortella en Corse. Peu coûteuses à construire et faciles à défendre, les tours rondes comme les tours Martello ont l’avantage d’offrir peu d’angles morts. Ces dernières sont principalement construites près des côtes pour permettre un poste d’observation.

  • 16 tours Martello construites au Canada
  • 11 tours Martello existantes encore aujourd'hui

La guerre de 1812 se prépare. Devant la menace d’une nouvelle attaque américaine, le gouverneur Craig autorise la construction de quatre tours Martello parallèlement aux murs de la ville sur la largeur du promontoire. La construction débute à Québec en 1808 sous la supervision de Ralph Henry Bruyeres, ingénieur militaire des Royal Engineers.  

Elles doivent permettre une première ligne de défense pour éviter que l’ennemi ne s’approche assez de la ville pour pouvoir effectuer un siège. Les tours Martello 1 et 4, à flanc de falaise, permettront la surveillance du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Saint-Charles. 

Le 19 juin 1812, les États-Unis déclarent la guerre à la Grande-Bretagne.

Construction et fonctionnement défensif  

Les tours Martello sont parmi les premiers ouvrages de fortification permanents en maçonnerie construites par les Britanniques en Amérique du Nord. Le mur ouest est beaucoup plus imposant pour résister aux tirs ennemis allant jusqu’à cinq mètres d’épaisseur pour les tours 2 et 3. Plus étroit, le mur est destiné à pouvoir être détruit en cas d’attaque ; il ne faut pas que l’ennemi puisse utiliser la tour Martello contre la ville de Québec!

J. Bouchette, Description topographique […] du Bas Canada […], 1815

[…] on a construit quatre tours à quelque distance en avant, […] elles sont à environ 250 ou 300 toises l’une de l’autre, et placées de manière à pouvoir balayer toute la largeur des plaines ; elles sont solidement construites, et garnies de canon de gros calibre.

  • 4 tours Martello à Québec
  • 3 étages
  • 800 à 1100 mètres de distance des remparts

Les quatre tours se protègent mutuellement, ayant des ouvertures qui permettent les tirs de caronades (petits canons) pour protéger l’espace qui les sépare. En plus des embrasures à canon à volets, d’autres ouvertures sont visibles de l’extérieur de la tour : les meurtrières. Ces ouvertures, étroites à l’extérieur, s’élargissent vers l’intérieur pour permettre un meilleur angle pour viser. Elles sont situées dans l’escalier en colimaçon qui donne accès à la plateforme. 

Une colonne centrale, dont le centre est rempli de débris, supporte toute la structure de la tour. La forme voûtée des plafonds, tant à la caserne qu’au rez-de-chaussée, permet de supporter ce poids important. Lors de la construction, on bâtit une armature de bois sur laquelle on dépose les pierres, puis le mortier composé de chaux, de sable et d’eau. Une fois sec, on retire la structure de bois. En cas de bombardement, les joints se resserrent et offrent aux pierres une meilleure prise permettant une certaine protection contre l’effondrement.  

La plateforme à ciel ouvert sert à supporter les canons pour la défense. Ils sont placés sur des rails permettant de les orienter pour le tir. Pour supporter ce poids, il y a près de deux mètres de briques entre la plateforme et la caserne. Les tours 1 et 4 ont été conçues pour accueillir trois canons au total, alors que les tours 2 et 3 devaient en accueillir cinq. Durant la guerre de 1812, la tour Martello 2 a été adaptée pour accueillir deux canons supplémentaires. Elle était donc défendue par cinq canons à la plateforme, en plus des deux caronades dans les embrasures de la caserne.  

Les tours demeurent à ce jour des éléments distinctifs du paysage des plaines d’Abraham et de la ville de Québec.  

Tour

Diamètre

Hauteur

Épaisseur du mur (pieds)

Épaisseur du mur (mètres)

1

13,6 mètres 

44 pieds 6 pouces                    

8,9 mètres  

29 pieds 1 pouce                         

6  à 11 pieds 1,83 à 3,35 mètres          

2

17,1 mètres

56 pieds

10,1 mètres            

33 pieds

6 à 11 pieds 1,83 à 3,35 mètres

3

17,1 mètres 

56 pieds

10,1 mètres  

3  pieds

6 à 11 pieds 1,83 à 3,35 mètres

4

13 mètres

42 pieds 6 pouces 

8,1 mètres 

26 pieds 6 pouces

6 à 11 pieds1,83 à 3,35 mètres
  • 75 barils (poudrière des tours 1 et 4)
  • 150 barils (poudrière des tours 2 et 3)

Fonctions des différents espaces intérieurs 

Les tours ne comportent qu’une seule porte, du côté des murs de la ville. Cette porte permet d’accéder à la caserne grâce à une échelle. C’est le principal lieu de vie des soldats où ils mangent et dorment.

Pour l’accès au rez-de-chaussée, il faut passer par une trappe dans le plancher de bois, puis descendre un escalier très abrupt. Un palan est suspendu à un gros crochet de fer au plafond de la caserne pour le déplacement d’objets très lourds. 

On trouve au rez-de-chaussée un magasin qui sert à entreposer les vivres, tels que viande salée, pois séchés, farine, etc. On trouve aussi à cet étage la poudrière. C’est l’endroit où l’on conserve des barils de 75 lb (34 kg) de poudre noire. 

Cette poudre est ensuite utilisée pour fabriquer les munitions (gargousses pour les canons et cartouches pour les fusils) dans la petite pièce adjacente qu’on appelle le tambour. Plusieurs trous d’aération permettent de laisser circuler l’air et de conserver la poudre noire relativement sèche. 

Des réservoirs d’eau sont construits au sous-sol et recueillent l’eau de pluie grâce à un système de conduits dans les murs de la tour. Cette eau est accumulée pour utilisation en cas de siège.  

Le départ des soldats  

Les plateformes sont désarmées en 1821, et les poudrières vidées de leurs contenus. Vers 1824, comme la menace américaine semble écartée, on dote les tours Martello d’un toit en bardeaux de cèdre. Ce toit, amovible, doit notamment protéger la maçonnerie qui subit les assauts des gels et des dégels.  

Les progrès techniques de l’équipement militaire, notamment l’utilisation d’armes à âme rayée rendent les tours Martello moins efficaces comme système de défense.  

Au courant du 19e siècle, les tours seront par moment occupées par des soldats, parfois même par leurs familles. Dans les années 1860 notamment, des miliciens y sont stationnés durant l’été.  

Les tours Martello de Québec n’ont finalement jamais été attaquées.  

À la demande de la Commission des champs de bataille nationaux, les tours obtiennent en 1990 les désignations d’édifice fédéral du patrimoine « classé » (tour 1) et reconnu (tours 2 et 4), ainsi que celle de lieu historique national du Canada. Ces statuts reconnaissent la valeur patrimoniale des tours Martello de Québec pour leur histoire, leur architecture et leur importance dans leur environnement.  

Extrait d’un document promotionnel touristique, vers 1950
De place en place, la perspective des Plaines d’Abraham est interrompue par les tours à la Martello, ouvrages avancés du vieux système de défense.

Les tours demeurent à ce jour des éléments distinctifs du paysage des plaines d’Abraham et de la ville de Québec.  

Tour Martello 1

Au 20e siècle, les soldats n’habitent plus les tours. La tour Martello 1 sert de château d’eau pour la Ross Riffle Factory, une usine qui fabrique des fusils pour l’armée canadienne de 1902 à 1917. Les bâtiments adjacents à la tour continuent de servir de magasin militaire jusque dans les années 1930.   

La Commission des champs de bataille nationaux fait l’acquisition de la tour Martello 1 en 1936 et la restaure. Au début des années 1940, la Société royale d’astronomie du Canada collabore avec la Commission pour installer un observatoire surmonté d’une coupole sur la tour Martello 1. L’observatoire est ouvert au public jusqu’en 1962. Le cadran solaire, qui se trouve aujourd’hui près du kiosque Edwin-Bélanger, commémore ce passé scientifique des plaines.  

Extrait journal L’Action catholique, 6 novembre 1949 
L’éclipse totale de lune du 6-7 octobre a été observée, à Québec, dans des conditions atmosphériques parfaites, du moins jusqu’à la fin de la phase de totalité. Le phénomène a été suivi avec attention à l’observatoire de la Tour Martello.

Le bâtiment devient un centre d’exploration des tours Martello de Québec dans les années 1990. Aujourd’hui, elle accueille des groupes d’élèves durant l’année scolaire leur permettant de revivre la vie des soldats du Royal Artillery en 1814. Elle est également ouverte au grand public durant l’été pour la visite de l’exposition Garde-à-vous! 

Tour Martello 2

Durant la Première Guerre mondiale, la tour Martello 2 sert d’entrepôt à munitions. Elle est ensuite acquise par la Commission des champs de bataille nationaux en 1936 en même temps que la tour 1.  

Au début des années 1990, des travaux majeurs de restauration y sont effectués. On fait également des fouilles archéologiques aux abords de la tour, dont les principales découvertes font maintenant partie de la collection de la CCBN. Ces recherches ont permis de mettre au jour les traces d’un fossé creusé autour de la tour Martello 2 dès 1809 dans l’objectif de construire une redoute jamais achevée. Ce fossé est aujourd’hui représenté par un sentier de pierres.  

Dans les années 1990, la tour devient un centre d’initiation à l’astronomie. Aujourd’hui, elle accueille principalement des groupes scolaires souhaitant revivre la vie des soldats du Royal Artillery en 1814.  

Tour Martello 3

Le 6 juin 1857, le toit recouvert de bardeaux de la tour est détruit par le feu et est remplacé par un toit en tôle. Elle fut démolie en 1904 pour construire un pavillon de l’ancien hôpital Jeffrey Hale. Ses pierres ont été utilisées à d’autres usages un peu partout dans la ville de Québec.

Tour Martello 4

Le 16 mai 1857, un feu détruit le toit et le parapet de la tour. Il est remplacé par un toit en tôle. 

La tour Martello 4 a été habitée de 1892 à 1907 par un agent de la paix, William Marcoux, et sa famille. La CCBN en fait l’acquisition en 1910, et subit des travaux de restauration à quelques reprises, dont dans les années 2010.  

Après avoir été utilisée par des organismes, notamment pour des représentations théâtrales, la CCBN a repris possession des lieux pour y tenir ses activités de médiation. De 2019 à 2023, on y tient le jeu d’évasion à saveur historique La Tourmenteuse, récipiendaire du prix Cadenas d’or. 

En plus d’accueillir des groupes scolaires, on y tient des activités grand public, dont à l'occasion de l’Halloween, avec l'activité Horreurs du bon vieux temps.  

Tour Martello 4, Commission des champs de bataille nationaux

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